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Le Moulin de la Théry à Saint-Galmier : histoire, familles et mémoire

  • Photo du rédacteur: ericmoulinzinutti
    ericmoulinzinutti
  • 28 sept.
  • 3 min de lecture
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À deux cents mètres en aval du pont de Saint-Médard, sur la rive gauche de la Coise, subsiste encore le grand bâtiment du Moulin de la Théry, daté de 1723. Ses voûtes de pierre, où tournaient jadis les rouets, et sa balustrade forézienne en font un repère visuel fort dans le paysage. Si l’activité s’y est arrêtée au début du XXᵉ siècle, l’édifice reste un témoin précieux de la vie meunière et du patrimoine hydraulique local.

Plus qu’un simple outil économique, ce moulin fut, durant plusieurs siècles, un lieu de production, de transmission familiale et parfois de conflit.

Un site ancien et polyvalent

Un acte de 1630 décrit déjà le site comme un complexe industriel :

« un moulin à blé, des battoirs à draps et à chanvre, un pressoir à huile, avec maison, grange, étable et prés »¹.

Cette polyvalence illustre bien le rôle multiple des moulins dans l’économie rurale : non seulement lieux de transformation des céréales, mais aussi centres artisanaux pour le textile et la production d’huile.

Contrairement aux moulins « banaux », soumis à l’autorité seigneuriale, la Théry semble avoir bénéficié d’une relative autonomie. Une procédure de 1690, opposant exploitants et seigneur, confirme que les habitants de Saint-Galmier refusaient que la Théry soit assimilée aux moulins de Fontfort (Chambœuf), assujettis au droit de banalité².

Les premières familles exploitantes : Blanc, Jacquin et Charvin

La famille Blanc de Saint-Médard-en-Forez apparaît comme la première détentrice du moulin à la fin du XVIᵉ siècle. Par mariages, deux branches en héritent :

  • Benoît Jacquin, marié à Jeanne Blanc,

  • Mathieu Charvin, marié à Marie Blanc.

Ces partages, attestés par des actes notariés³, instaurent une co-exploitation familiale, phénomène courant dans la gestion des moulins.

L’ascension des Staron et des Clapeyron

Au XVIIᵉ siècle, le moulin passe dans l’orbite de la famille Staron, déjà implantée à Chazelles-sur-Lyon. En 1712, le mariage de Jean Clapeyron et Jeanne Staron scelle l’alliance de deux lignées meunières⁴.

Leur descendance nombreuse s’unit à d’autres familles de meuniers : Cartal à Cuzieu, Sicard à Veauche, Decouzu à Chambœuf. On retrouve ici un phénomène bien connu : l’endogamie professionnelle des meuniers, qui assure la transmission du savoir-faire et la préservation du patrimoine hydraulique.

Héritages, dots et contentieux

Les testaments et inventaires après décès conservés aux Archives révèlent une volonté constante de préserver l’intégrité du moulin. L’héritier principal recevait le fonds, tandis que les cadets obtenaient une dot ou une somme compensatoire.

Ainsi, dans un testament du XVIIᵉ siècle, le meunier précise :

« Je donne à mes fils puînés la somme de quatre-vingt livres chacun, payable à mariage ou majorité, et à mes filles deux cents livres pour leur dot »⁵.

Toutefois, ce système entraînait tensions et procès, certains héritiers s’estimant lésés. Un registre de la sénéchaussée de Montbrison mentionne une affaire opposant les descendants Staron au sujet du partage des biens de la Théry⁶.

Le moulin au XVIIIᵉ et XIXᵉ siècle

Les Clapeyron modernisent les installations et deviennent de véritables notables locaux. Certains participent aux affaires publiques, notamment aux États Généraux de 1789.

Mais au XIXᵉ siècle, l’industrialisation et l’apparition des minoteries à cylindres accélèrent le déclin du moulin traditionnel. Malgré des tentatives d’adaptation, la Théry cesse définitivement son activité vers 1901⁷.

Mémoire et patrimoine

Le moulin de la Théry ne fut pas seulement une entreprise : il fut aussi un lieu de mémoire. On le retrouve dans des chansons foréziennes, dans des récits oraux transmis au XXᵉ siècle, et dans les pierres toujours visibles.

Aujourd’hui encore, il demeure un symbole de la culture meunière de la vallée de la Coise et un jalon essentiel de l’histoire de Saint-Galmier.


L’histoire du Moulin de la Théry illustre la place centrale des meuniers dans l’économie et la société rurales de l’Ancien Régime et du XIXᵉ siècle. Héritages, alliances et litiges familiaux, mais aussi innovations et mémoire collective, en font un objet patrimonial à part entière.

Les familles Blanc, Jacquin, Charvin, Staron et Clapeyron nous rappellent, par leurs archives et leur descendance, que le moulin n’était pas seulement une machine, mais un lieu de vie et de transmission.


Notes et références

  1. Archives Départementales de la Loire (ADL), 5E 44, minutes notariales de Saint-Galmier, 1630.

  2. ADL, Fonds Chambre domaniale de Montbrison, Procédure relative à la banalité des moulins de Fontfort, 1690.

  3. ADL, 5E 44-581, actes notariés de Saint-Galmier, fin XVIᵉ siècle.

  4. ADL, 5E 44-244, contrat de mariage de Jean Clapeyron et Jeanne Staron, 1712.

  5. ADL, 5E 44-655, testament de Jean Théodore Staron, 1703.

  6. ADL, Série B302, Sénéchaussée de Montbrison, procès autour de la succession des Staron.

  7. Témoignages oraux et tradition locale, confirmés par l’arrêt d’activité vers 1901.


    Cet article est tiré de l’ouvrage complet d’Éric Moulin-Zinutti, Une balade au pays des meuniers de la Coise (2020-2021), disponible à la vente sur le site Collibri de l’auteur.

 
 
 

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