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Saint-Étienne 2026 : Quand l’Union des Droites défie le Maire Sortant…

  • Photo du rédacteur: ericmoulinzinutti
    ericmoulinzinutti
  • 29 mai
  • 8 min de lecture

À l’approche des élections municipales de 2026, Saint-Étienne devient le théâtre d’une recomposition politique inédite. Alors que le maire sortant Gaël Perdriau est affaibli par des affaires judiciaires et une usure du pouvoir, une droite stéphanoise réunie derrière Éric Le Jaouen (Horizons) entend prendre sa revanche. Pourtant, d’autres acteurs pourraient bouleverser les équilibres….

Des clivages issus de la Révolution à leur dilution contemporaine



La naissance de la droite et de la gauche remonte à la Révolution française de 1789, lorsque les députés de l’Assemblée nationale constituante se répartirent selon leurs opinions sur le pouvoir du roi : les partisans de la monarchie et de l’ordre ancien se placèrent à droite du président, tandis que les partisans du changement, de l’égalité des droits et de la souveraineté populaire s’assirent à gauche. Ce clivage spatial est rapidement devenu symbolique, structurant la vie politique autour de deux visions du monde.

Ainsi, la droite historique — conservatrice, libérale, sécuritaire — s’est construite autour de la défense de l’ordre établi, de la propriété privée, de la hiérarchie sociale et de la responsabilité individuelle. Elle valorise l’initiative privée, la tradition, l’autorité, et une certaine méfiance envers l’interventionnisme étatique.

À l’opposé, la gauche s’est enracinée dans les idéaux révolutionnaires de justice sociale, d’égalité, de progrès, de défense des plus faibles, et dans une volonté d’intervention de l’État pour corriger les déséquilibres du capitalisme. Elle hérite des Lumières, des mouvements ouvriers du XIXe siècle, et des luttes sociales du XXe siècle.

Mais à Saint-Étienne, comme ailleurs en France, ces repères sont aujourd’hui fragilisés. La désindustrialisation, l’affaiblissement des grands partis, la perte des relais sociaux traditionnels (syndicats, partis, associations de quartier) et l’effondrement de la socialisation politique font que les appartenances idéologiques se diluent. Beaucoup d’électeurs ne se reconnaissent plus dans ces héritages, ce qui brouille les lignes traditionnelles du clivage gauche droite. Le vote devient souvent une réaction émotionnelle ou identitaire, plutôt qu’un choix idéologique structuré.


Saint-Étienne : une ville confrontée à des fractures sociales profondes...


Précarité et déclassement structurels

Saint-Étienne se distingue par des indicateurs socio-économiques préoccupants. Selon l'Insee, en 2021, le taux de pauvreté y atteignait 28 %, contre une moyenne nationale de 14,6 %. La médiane du revenu disponible par unité de consommation était de 19 010 euros, inférieure à la moyenne nationale. De plus, un quart de la population stéphanoise ne possède aucun diplôme, un facteur aggravant les inégalités sociales.

Le chômage demeure un défi majeur : en 2021, le taux de chômage s'élevait à 19,6 %, soit le double de la moyenne nationale. Cette situation est particulièrement alarmante pour les jeunes : dans certains quartiers prioritaires, comme les Quartiers Sud-Est, près de 30 % des 16-25 ans sont non scolarisés et sans emploi.

Un électorat désorienté, sans transmission politique

La désocialisation politique est un phénomène marquant à Saint-Étienne. Les familles ne transmettent plus de culture militante, les syndicats ont perdu de leur influence dans les lieux de travail, et les partis politiques peinent à s'ancrer dans les quartiers. Cette érosion des structures traditionnelles de socialisation politique conduit à un électorat désorienté, qui ne vote plus en fonction d'un projet collectif, mais souvent par réflexe de rejet ou par espoir personnel. Cette perte de repères idéologiques traditionnels brouille les lignes politiques et favorise des votes de contestation ou d'adhésion ponctuelle, sans ancrage durable.


Pourquoi les milieux populaires votent-ils à droite, voire à l’extrême droite ?

Le vote des classes populaires en faveur de la droite, voire de l'extrême droite, à Saint-Étienne comme dans d'autres régions françaises, s'explique par une combinaison de facteurs socio-économiques, culturels et politiques.

 

Un électorat populaire en mutation

Historiquement, les classes populaires françaises étaient majoritairement alignées avec la gauche, en raison de son engagement en faveur des droits des travailleurs et de la justice sociale. Cependant, depuis les années 1980, un phénomène appelé "gaucho-lepénisme" a émergé, décrivant le basculement d'une partie de cet électorat vers le Front National (devenu Rassemblement National)

Ce changement s'est intensifié au fil des décennies. Lors des élections législatives de 2024, 54 % des ouvriers et 40 % des employés ont voté pour le RN. Cette tendance est également visible chez les personnes ayant un niveau d'éducation inférieur au baccalauréat, où le RN recueille 50 % des voix

Les moteurs du vote à droite et à l'extrême droite

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’orientation politique d’une partie des classes populaires vers la droite, voire l’extrême droite.

Tout d’abord, la peur du déclassement constitue un ressort puissant. La mondialisation, la désindustrialisation, l’automatisation des tâches, et la précarisation croissante de l’emploi ont nourri un profond sentiment d’insécurité économique. De nombreux électeurs issus des milieux ouvriers ou employés craignent de ne plus pouvoir maintenir leur niveau de vie ou celui de leurs enfants. Ce ressentiment est souvent accompagné d’une impression d’abandon des territoires dits « périphériques », où les services publics disparaissent, les transports sont dégradés, et l’accès à la santé ou à l’éducation se détériore.

À cela s’ajoute le sentiment d’abandon politique. Beaucoup considèrent que les partis traditionnels — en particulier ceux de gauche, historiquement proches des luttes sociales — ne défendent plus réellement leurs intérêts. Ces formations apparaissent soit trop technocratiques, soit trop distantes des réalités concrètes. La gauche n’incarne plus pour eux la protection des travailleurs, mais une élite urbaine focalisée sur des enjeux perçus comme secondaires.

Le besoin de sécurité, tant physique que culturelle, constitue également un moteur important du vote à droite ou à l’extrême droite. Les discours axés sur l’immigration, la délinquance ou la perte des repères identitaires rencontrent un certain écho, notamment dans les quartiers fragilisés où la cohabitation sociale est difficile. Le sentiment d’insécurité, qu’il soit réel ou perçu, devient alors une clé d’interprétation politique.

Enfin, l’absence de contre-discours collectif structuré favorise ce basculement. La désaffection des syndicats, l’effacement des partis de gauche dans les quartiers populaires, et la disparition des espaces de discussion politique (cafés associatifs, cercles militants, presse locale engagée…) laissent un vide symbolique. Le Rassemblement National, en se positionnant comme le porte-voix des « oubliés », parvient à investir cet espace avec un récit simple, accessible et émotionnel, souvent en phase avec les angoisses existentielles de l’électorat populaire.

Une dynamique insoumise renforcée par les législatives de 2024

La percée de la France Insoumise à Saint-Étienne ne relève plus du simple espoir militant : elle s’appuie désormais sur des résultats électoraux concrets et une implantation réelle dans les quartiers populaires. Lors des élections législatives de 2024, les candidats insoumis ont réalisé des scores particulièrement élevés dans plusieurs secteurs de la ville. À Tarentaize, Montreynaud ou encore au Crêt-de-Roc, ils sont arrivés en tête au premier tour, dépassant parfois les 35 à 40 % des suffrages exprimés, bien devant les autres formations de gauche et, dans certains bureaux, même devant le Rassemblement National.

Ce succès s’explique en partie par un discours qui touche les laissés-pour-compte : revalorisation des services publics, défense et relance du logement social, gratuité des transports en commun, transition écologique inclusive et respectueuse des conditions de vie. Dans une ville comme Saint-Étienne, où le taux de pauvreté atteint 28 %, où près de 35 % des moins de 30 ans sont sans emploi ou en situation précaire, et où les inégalités scolaires se creusent (près de 25 % des jeunes quittent le système scolaire sans diplôme), ces propositions résonnent fortement. Elles apparaissent comme des réponses crédibles à un quotidien difficile.

Mais au-delà du programme, ce qui fait la force de la France Insoumise, c’est sa capacité à redonner un sentiment de dignité aux classes populaires. Là où d’autres partis semblent parler une langue étrangère, elle utilise un langage direct, accessible, et ancré dans les préoccupations concrètes. Elle parle de salaires, de loyers, d’hôpitaux, de bus, de cantines… des réalités immédiates et vitales.

Dans ce contexte, la perspective d’une percée municipale de la France Insoumise en 2026 ne relève plus de la fiction. Si la gauche traditionnelle persiste dans ses divisions internes, si le Parti Socialiste et les Verts échouent à proposer un projet commun, et si le Rassemblement National continue à fracturer l’électorat contestataire, alors une liste insoumise, bien construite, bien incarnée, pourrait s’imposer. Elle pourrait capter un électorat jeune, populaire, souvent désenchanté, mais encore mobilisable. Ce scénario est d’autant plus envisageable que l’abstention, bien qu'élevée (plus de 62 % aux dernières municipales à Saint-Étienne), ne profite plus automatiquement à la droite traditionnelle.

Cependant, un autre facteur complique la lecture politique de la situation : l’affaiblissement de la culture politique. De nombreux électeurs, notamment parmi les plus jeunes ou les plus précaires, ne savent plus vraiment pour qui ils votent. La transmission familiale de valeurs politiques a largement disparu. Les partis n’investissent plus les quartiers comme ils le faisaient autrefois. Les syndicats se sont retirés de la plupart des entreprises. Résultat : le vote devient souvent un acte isolé, fondé sur des impressions, un nom connu, un tract reçu, voire un appel téléphonique de sondage, sans véritable compréhension des enjeux. Certains avouent eux-mêmes ne pas connaître les programmes, ni les étiquettes des candidats.

Dans ce flou idéologique et cette défiance généralisée, la France Insoumise peut apparaître comme une alternative radicale et sincère, à condition qu’elle parvienne à canaliser ce désenchantement vers un projet collectif. À Saint-Étienne, elle dispose désormais de bases solides pour tenter cette conquête.

Des incertitudes fortes : Abstention, RN, et sondages en coulisse

L’abstention : la vraie gagnante ?

En 2020, 72 % des électeurs ne se sont pas déplacés. Rien ne garantit un réveil démocratique. Le rejet global du politique, accentué par la perte de repères et la désaffection des jeunes, fait planer l’ombre d’une abstention massive, voire record, en 2026.

Le Rassemblement National à l’affût

Le RN, déjà fort dans certains bureaux de vote stéphanois, pourrait profiter de la démobilisation de la gauche et de l’impopularité du maire sortant. Il ne peut pas conquérir la mairie sans alliances, mais il peut entrer massivement au conseil municipal, voire forcer un second tour tendu.

Des sondages téléphoniques en cours : un révélateur imprécis

Des habitants ont été sondés par téléphone sur leurs intentions de vote, ce qui témoigne de l’intérêt des états-majors nationaux pour cette élection. Ces sondages donnent des tendances, mais restent fragiles : l’abstention et le vote caché, notamment pour le RN, les rendent peu fiables.

La campagne municipale de 2026 à Saint-Étienne pourrait bien se structurer autour de trois grands blocs : D’abord, une droite unie, incarnée par Le Jaouen, qui cherche à capitaliser sur un discours sécuritaire, gestionnaire et de rigueur économique, en se présentant comme l’alternative crédible à l’usure du pouvoir local. Ensuite, une gauche radicale insoumise, désormais bien enracinée dans les quartiers populaires, portée par une dynamique électorale issue des législatives de 2024, et capable de fédérer les exclus du système autour d’un projet social, écologique et participatif. Enfin, un maire sortant affaibli, contesté pour son bilan et son style de gouvernance, mais encore soutenu par certains réseaux d’influence et une partie de l’électorat modéré.

Mais derrière ces clivages apparents, se profile une réalité plus trouble. L’abstention massive, qui avait déjà atteint 72 % en 2020, menace à nouveau d’être la grande gagnante de l’élection. La dépolitisation, la lassitude citoyenne et l’effondrement des repères collectifs nourrissent un désintérêt croissant pour les enjeux locaux. Et dans ce vide civique, certaines candidatures fleurissent moins par conviction que par volonté de reconnaissance personnelle. On voit ainsi émerger des figures qui, malgré une faible expérience ou des qualifications sommaires, se lancent dans la course aux responsabilités politiques. Le mandat municipal devient pour certains un outil de valorisation individuelle, un tremplin social, parfois même un exutoire face à des frustrations professionnelles. Cette logique, si elle se généralise, risque de fragiliser encore davantage la confiance des citoyens dans l’engagement public.

En somme, Saint-Étienne, ville blessée par les désillusions sociales mais encore animée par une mémoire de luttes, pourrait devenir en 2026 un véritable laboratoire politique. Reste à savoir si les habitants sauront reprendre la parole, ou si les urnes resteront vides, livrant la ville aux calculs d’appareil et aux ambitions individuelles.

 

 
 
 

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